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On le connaît peu et pourtant, sans lui Kure Bazaar n’aurait peut-être pas vu le jour. Avec sa complice Kartika Luyet, il y a plus de 10 ans, il a créé l’un des tout premiers vernis clean, à une époque où on n’entendait parler que de vernis semi-permanents. Autant dire que la proposition de ces deux-là étaient aux antipodes de la tendance du moment. Et pourtant, Kure Bazaar était bien à l’aube d’une révolution majeure dans la beauté.

En ces temps un peu étranges de confinement, de ralentissement voire d’arrêt, tout est remis en question. Même les déplacements de Beauty Toaster sont à l’arrêt. Mais grâce à la magie de la technologie les interviews continuent. A situation exceptionnelle, rendez-vous exceptionnel pour cet épisode 99. J’ai décidé d’aller prendre des nouvelles d’invités que j’avais reçus il y a quelques mois, voire plus d’un an, pour certains d’entre eux. Ce temps suspendu est le moment idéal pour faire un point sur l’évolution de leur marque ou de leur activité et de voir comment ils vivent cette période pour le moins insolite.

Suprenante marque débarquée de nulle part (enfin si, du Canada, via la Grande-Bretagne en fait) en 2013. Une époque où la notion d’indie brand n’existait pas encore et où Instagram en était à de simples balbutiements. Créée par Brandon Truaxe et Nicola Kilner, Deciem a donné naissance à l’un des plus gros succès cosmétiques de ces dernières années : The Ordinary. Mais 2019, a été une année noire qui sera marquée par le décès accidentel de Truaxe. Nicola Kilner a repris les rennes et dirige désormais The Abnormal Beauty Company, sans jamais perdre de vue la vision et l’esprit de son celui qui l’avait créée.

Erwan et Flora de Brugière ont une passion, le Pays Basque. Ses paysages, l’Océan et l’esprit surfeur… Et ensemble, ils ont imaginé Oskol. Une ligne cosmétique inspirée, dans les moindres détails, de cette région chère à leur coeur. Look épuré et choix de matières premières locales, mais également textures très élaborées, le couple n’a rien laissé au hasard.

De blogueuses à créatrices de marque

Bonjour Elsie, bonjour Dominika. Comment vous  êtes-vous rencontrées ?
Elsie Rutterford (à droite sur la photo). On s’est rencontrées alors qu’on travaillait ensemble. Ca fait un bail maintenant, peut-être 6 ou 7 ans. On travaillait dans la pub. On a été embauchées à peu près au même moment, pour des postes similaires et on passait beaucoup de temps ensemble. On est devenue de bonnes collègues, de bonnes amies et c’est comme ça que notre relation « business » a commencé.

Et vous aviez déjà une passion pour les cosmétiques ?

Dominika Minarovic (à gauche sur la photo). Je pense qu’on avait une passion pour les cosmétiques, mais plus en tant que consommatrices. on était des « junkies » de beauté, Et je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours été très branchée spa, relaxation, massages, le côté plaisir de la beauté. Et Elsie a toujours été passionnée par la couleur, elle a toujours testé et utilisé la beauté comme moyen d’expression pour mettre en avant sa personnalité, donc je pense qu’on aimait la beauté chacune à sa façon, mais notre amour de la beauté nous a réunies.

Est-il vrai que tout a commencé dans une cuisine ? Vous étiez plus cuisine que beauté, au début, c’est vrai ?

Elsie. Oui, j’ai pas commencé par la cuisine à proprement parler mais l’idée c’était plus de cuisiner pour sa peau. Donc on regardait ce qui se faisait en cuisine. Et on a été influencées par tout ce mouvement autour de la nourriture, l’alimentation saine et le wellness. On trouvait ça super et on faisait des trucs comme des smoothies green, et on s’est demandé si on ne pouvait pas transposer ça dans la beauté. On a bien évidemment commencé dans la cuisine, on allait dans le réfrigérateur et on disait : « Tiens, on a des avocats, voyons si on peut avoir les mêmes bénéfices en l’appliquant en masque sur la peau qu’en le mangeant. »

Et en 2015, vous avez crée votre blog, Clean Beauty Insiders. De quoi parlait-il ?

Dominika. Je pense que ça correspond à la période où on a commencé à se détourner des marques cosmétiques traditionnelles pour aller vers des alternatives plus naturelles. Et parce qu’on a été assez déçues par ce qu’on trouvait en termes de beauté naturelle que ce soit en pharmacie ou dans les boutiques de beauté traditionnelles, on a décidé de faire nos propres produits.

Vous trouviez les produits naturels ringards ?

Dominika. Je pense qu’à cette époque, le naturel était plutôt un marché de niche et très marginal. Et on trouvait que les formules étaient très sommaires, elles n’avaient la pas la sophistication ou la science ou alors elles ne se présentaient pas de cette façon, mais c’est vrai qu’elles n’avaient rien de funky, elles n’étaient pas modernes. Et l’expérience, le résultat étaient décevants par rapport aux cosmétiques qu’on achetait avant. Et c’est parce qu’on ne trouvait pas ce que l’on cherchait qu’on a crée Bybi. Mais Clean Beauty Insiders c’était bien avant, ça racontait notre voyage de la cosmétique traditionnelle vers la cosmétique naturelle, on partageait nos recettes beauté, on a construit une communauté, on a commencé à parler de beauté naturelle, ce que personne n’avait jamais fait avant, en Grande-Bretagne.

Et ce fut un succès dès le départ ?

Dominika. On aime bien se dire que oui, plus que le succès, ce qu’on a fait c’est de nous constituer une communauté vraiment loyale et engagée. Et cela a contribué à développer le blog et nous a préparé à la création de notre marque, parce qu’on a senti qu’il y avait une vraie passion pour ce qu’on faisait et je pense qu’on avait vraiment trouvé une sujet intéressant et innovant, un ton juste pour parler d’un secteur cosmétique qui était là depuis longtemps, mais dont on n’avait jamais parlé de façon intéressante. Donc ça nous a motivées.

Je sais que vous avez suivi les cours de Formula Botanica (cours en lignes sur la formulation de produits bio et naturels), vous pensiez déjà à monter votre propre marque ?

Elsie. On aimait bien faire nos recettes, et on a pensé qu’il y avait un truc à faire dans ce secteur en plein développement, tous nos amis nous demandaient « Est-ce qu’on peut acheter ce baume que vous venez de fabriquer ? ». On s’est dit qu’on pouvait peut être se faire payer. Mais n’ayant aucune formation en cosmétiques, on a pensé que ce serait un peu compliqué. Alors on a cherché où on pouvait étudier tout en continuant à travailler. Et Formula Botanica dispense des cours online. Alors on a étudié La Formulation de Produits Naturels,  et ça nous bien aidées pour renforcer les connaissances que nous avions déjà acquises de façon empirique en fabriquant nos propres produits, ça nous a enrichies et ça nous a permis d’écrire un livre sur nos recettes (publié chez Penguin). Donc ce cours nous a vraiment amenées à l’étape suivante et nous a légitimées en tant qu’expertes.

Et comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce livre ?

Dominika. On avait l’habitude de partager nos recettes et ce format écrit+visuel pouvait très bien être transposé sous forme de livre. Il y avait également, à cette époque, un mouvement autour du Clean Eating (ndlr. Stop à la mal bouffe) et plein de livres autour de ce sujet. Donc c’était très facile pour nous d’incarner l’équivalent beauté du Clean Eating. On était dans les super aliments, les aliments de votre réfrigérateur que vous pouvez transformer en  produits de beauté sur mesure. Donc c’était facile et plein d’éditeurs étaient intéressés. Ca a été une super expérience et on s’en souviendra toujours.

Bybi, vegan, clean beauty, England, Brexit

Bybe est né peu de temps après le livre, pourquoi était-ce si important de créer votre marque ?

Elsie. On s’est rendu compte qu’il y a avait un manque sur le marché. Et on était très enthousiastes à l’idée d’être celles qui combleraient ce manque. On est très ambitieuses. On savait qu’on voulait faire un truc à nous. Dominika l’a évoqué, mais on voulait créer une marque avec de l’éthique d’un point de vue formulation mais également avec de super ingrédients, pas des trucs plein d’eau, avec plein de filler synthétiques (ex. silicones) qui n’ont aucun intérêt pour la peau.  Donc la formulation était importante. Mais il fallait également que nos produits soient vegan, non testés sur les animaux (ndlr. Notez que les tests sur animaux sont interdits dans l’Union européenne depuis 2003) et s’inscrivent dans un processus de durabilité. Tout en voulant leur donner un look frais et moderne. C »était nos engagements et on a aussi pensé que, et on pense toujours qu’il n’y a pas encore grand monde sur ce segment de la beauté naturelle et que c’était important de créer cette marque et de permettre aux gens de la trouver dans les magasins de beauté et non dans les magasins bio traditionnels.

Avez-vous été inspirées par d’autres marques ? Non, apparemment non…

Dominika. Si, on l’a été bien sûr. A ce moment-là, il y avait des marques très intéressantes qui se lançaient, comme Glossier. Il y a tellement de marques qui nous inspirent. Nos valeurs qui sont le veganisme, l’absence de cruauté sur les animaux et la durabilité se retrouvent ailleurs que dans la beauté. Et on s’inspire de plein d’autres entrepreneurs dans différents domaines qui partagent notre éthique. Mais la beauté est un secteur particulièrement  dynamique en ce moment alors oui, on regarde ce que font les autres, que ce soit le packaging, le marketing, la distribution, Instagram, comment ils échangent avec leur communauté, comment ils la construisent. Il y a plein de marques, surtout les indie brands (ndlr. marques indépendantes), qui nous inspirent.

Anglaises, américaines, françaises ???

Dominika. Je citerais des marques comme Glossier, Drunk Elephant. En Grande-Bretagne, on a Isle of Paradise et il y en a plein d’autres.

Et dites-nous en plus sur Bybi. Qu’est-ce qu’elle a de différent ?

Elsie. On est 100% naturel. on est labiliés vegan par la Vegan Society et certifiés Curelty Free avec Leaping Bunny . Et l’un des point importants pour nous, c’est la durabilité. Ca devient de plus en plus important au fur et à mesure que la marque grandit. Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par l’impact écologique, on est nous-même très préoccupées par le sujet. La durabilité c’est une chaîne, donc on regarder chaque ingrédient qu’on utilise depuis sa mise en culture, son extraction jusqu’à son arrivé aux UK, comment ils est cultivé jusqu’à la commercialisation du produit fini. On fait de gros efforts sur le packaging. On utilise du verre dès que possible, vu qu’il est recyclable à l’infini, on imprime directement sur le flacon contrairement à d’autres, on utilise un bio-plastique issu de la canne à sucre, qui est à la fois biodégradable et recyclable, donc on est pas mal engagées sur cet aspect. Notre ambition est de devenir la plus grosse marque de beauté durable. Cela étant dit, on ne fait aucun compromis sur l’efficacité de nos produits. On utilise d’excellents ingrédients, ils sont vraiment efficaces, ils font une belle peau saine, ils donnent de l’éclat, mais on le fait dans le respect de l’environnement. C’est ça Bybi.

Bien que vous ayez commencé par le DIY, vous n’avez pas voulu faire de Bybi une marque de DIY ? Pourquoi ?

Dominika. Je pense que le DIY reste encore assez marginal. Et penser que dans nos vie modernes les gens ont le temps de fabriquer leurs propres produits est une idée formidable mais pas très réaliste. Bybi a été créé en partie pour réunir un certain nombre de valeur et provoquer un changement de comportement. On produit en masse, donc faire du DIY est compliqué. Mais on essaie de donner une touche de DIY avec certains produits comme dans la ligne de Boosters, des huiles pressées à froid, le type même de booster hyper efficace que vous pouvez ajouter à votre routine beauté. C’est un concept DIY assez naturel. Vous pouvez enrichir votre crème en mélangeant quelques gouttes d’un des boosters en fonction de l’état de votre peau. Et vous n’avez pas à acheter de nouveau soin. C’est ce côté sur-mesure que l’on aime dans la beauté DIY et non le produit que l’on reconstitue complètement tous les jours. On essaie encore de le faire en perso mais, c’est juste…

La vie moderne…

Elsie. C’est drôle quand même, de pouvoir aller dans sa cuisine. Mais maintenant que nous sommes des entrepreneures ou des créatrices, comme on dit, on n’a plus trop le temps.

Est-ce que certains ingrédients sont interdits chez Bybi ou seriez-vous prêtes à faire des compromis ?

Elsie. Pour l’instant nos formules sont à 100% naturelles, on n’utilise aucun ingrédient synthétique, on n’utilise pas non plus d’ingrédients d’origines animale. Sur le vegan et le cruelty-free, on ne fera pas de compromis. Il n’y a aucune raison d’utiliser des ingrédients d’origine animale aujourd’hui dans la beauté, surtout dans le skincare où on peut s’en passer facilement. Sur le tout naturel, il y a un an, on aurait eu une réponse différente, mais si un jour dans une lointain futur, il s’avère qu’un ingrédient synthétique est plus durable qu’un ingrédient naturel, c’est quelque chose qui doit être pris en compte. On doit être flexible étant donné que la durabilité est l’un de nos piliers. Et si cet ingrédient est bénéfique, en termes de résultats, pour la peau, on ne doit pas fermer la porte à ce genre d’option, mais pour l’instant, on reste 100% naturel.

Le vegan et le bio, c’est un gros truc en Grande-Bretagne en ce moment ?

Dominika. Oui, avec tout ce qu’on entend sur le changement climatique, les gens vont vers des marques plus éthiques, parce qu’ils pensent que c’est mieux pour la peau et pour l’environnement, ce qui est globalement vrai. Et plus particulièrement, avec la beauté vegan, les gens pensent que les produits dérivés d’animaux n’ont rien à faire de les cosmétiques, et encore moins les tests sur les animaux. pour les consommateurs, ces deux valeurs vont ensemble. On n’aime pas dire que c’est une mode car on espère que ce sera plutôt une lame de fond qui sera là pour durer, mais c’est effectivement une interrogation grandissante chez les consommateurs.

Est-ce que les consommateurs anglais sont aussi méfiants à l’égard des cosmétiques traditionnels que le sont les français ?

Elsie. Oui, je le pense. Je pense que cela a été instillé par le digital et le fait que l’information est si rapidement et facilement accessible aujourd’hui. Ce qui veut dire que pour des marques qui pendant des dizaines d’années n’avaient pas à partager la liste de leurs ingrédients ou à communiquer sur leur éthique, ces informations sont dorénavant disponibles pour les consommateurs, ce qui veut dire qu’il y a plus de demande de transparence et de meilleurs comportements. Plus que de la méfiance, je dirais que les gens veulent du mieux dans tous les domaines : alimentation, mode, beauté. Ils n’hésiteront pas à faire plus pour savoir si ce qu’ils achètent est mieux  et ce qui se passe, c’est que les grosses marques se font attraper quand leurs formules ne sont pas clean. C’est bien que le consommateur soit plus averti et informé, ça pousse les marques à être irréprochables, donc je pense que c’est un mouvement positif.

On trouve Bybi dans pas mal de pays maintenant, quelle est la prochaine étape ?

Dominika. Je pense qu’il y a encore plein de domaines à explorer en cosmétique, même si notre coeur de métier c’est le skincare.  Je crois qu’on peut nous trouver à peu près partout surtout grâce à notre partenaire Sephora. On est vendu en Europe, en Australie, en Asie du Sud-Est. Je pense que notre souhait serait que Bybi soit disponible pour plein de gens à travers le monde, mais il y a encore certaines parties du monde où nous ne sommes pas présentes, comme les US (Sephora US si tu nous entends), le Canada, le Moyen-Orient. Il y a encore tellement à faire. Et chez nous, on aimerait devenir une marque de référence car il n’y a pas de marque comme la nôtre, alors ce serait bien que les gens nous découvrent nous et notre passion, car je crois qu’on peut vraiment changer les choses en termes de durabilité en Angleterre. On a encore beaucoup à faire. On voudrait faire plus de démaquillants, d’hydratants, mais ça arrive, alors restez bien à l’écoute…

Pas de produits corps ou cheveux ?

Dominika. Pas pour l’instant. On a des produits visages qui conviennent pour le corps, même s’ils ne sont pas formulés pour le corps.

Je sais que vous avez aussi un podcast. Où trouvez-vous le temps pour le faire ? (ndlr. Clean Beauty Insiders)

Elsie. Oui, bonne question. On essaie, le truc c’est qu’on adore parler, au cas où vous ne vous en seriez pas aperçus, alors quand on s’y consacre on le fait avec plaisir. Le truc , c’est de se donner une plage horaire et de s’y tenir. Ce n’est pas aussi régulier qu’on le voudrait, seulement toutes les 2-3 semaines, ça dépend de nos plannings. On a 12 épisodes maintenant.

Et pour les gens qui ne connaissent pas, de quoi ça parle ?

Elsie. Ca parle de beauté, d’entrepreneuriat et de durabilité. On parle de ce qui nous passionne. On parle de challenges, de levée de fond, de comment on est entrées chez Sephora. On parle aussi de nos produits de beauté préférés comme Sunday Riley, ou de soins esthétiques. Voilà, si vous voulez entendre 2 entrepreneuses de la beauté parler de leur expérience.

Oui j’ai entendu, c’est très intéressant. Alors bienvenue dans la famille des podcasteurs !