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L’huile de palme, on en parle ?

Au milieu des années 90, le graal du secteur cosmétique, c’était les silicones. Je me souviens de ma collègue de bureau qui avait lâché un jour : « chez XX, ils ont dû acheter une mine de silicones, c’est pas possible, ils en mettent partout ! ».
Bon, le silicone à l’état brut n’existe pas bien sûr. Mais ce qu’elle disait en exagérant à mort était vrai. Les silicones étaient partout. Pas chers, ils permettaient d’avoir un rendu cosmétique velouté, non gras, brillant… Crèmes, shampooings, sérums, aucune texture « confortable » digne de ce nom sans silicones.
Sur les cheveux on s’est assez vite rendu compte que c’était une plaie avec les shampooings 2 et même 3-en-1 notamment. Remember ces produits qui rendaient les cheveux secs comme des coups de trique (c’est une expression de vieux pas vraiment appropriée, mais j’adore !).

Mais la vague du naturelle a eu raison d’eux. Et il aura fallu attendre une vingtaine d’années tout de même. Les silicones ne sont plus du tout en odeur de sainteté et font désormais partie de ces ingrédients décriés pour des tas de raisons justifiées. Dimethicones, dimethiconol,  et autres cyclopentasiloxane sont relargués en quantités démentes dans les eaux usées tous les jours sur toute la planète et se retrouvent dans les océans où leur présence affecte forcément l’éco-système.

Problème : par quoi les remplacer ? J’ai assisté à une conférence au salon In-Cosmetic qui se tenait à Paris il y a quelques semaines. C’est un grand salon qui rassemble cosmétologues, chimistes et autres fournisseurs d’ingrédients. Et j’avoue que j’en suis sortie absolument dépitée. Les silicones étant devenus persona non grata, l’industrie a trouvé comment les remplacer. Et vous savez quel est le nouveau Graal ? L’huile de palme ! Franchement j’en croyais pas mes p’tites oreilles. L’huile de palme quoi ! Celle qu’on traque dans tous nos produits alimentaires (je sais pas vous, mais moi, j’achète le moins de produits transformés possible car elle y est présente à des doses élevées) parce qu’elle est mauvaise pour la santé, n’en déplaise aux fans de cette « pâte à tartiner » !

palmiers, huile de palme

 

L’huile de palme qui détruit des hectares de forêt partout dans le monde (de l’Asie à l’Amérique du Sud), qui décime la faune, épuise les sols, appauvrit et chasse les populations autochtones. Le calcul est simple : quelques arbres produisent tellement et pour pas cher ! Et en plus, l’huile de palme, c’est NA-TU-REL ! Et n’est-ce pas ce que veulent les consommateurs ? Et voilà comment les industriels retournent et pervertissent un argument qui était à l’origine plutôt de bon sens. J’ai interviewé Gay Timmons, la fondatrice de Oh Oh Organic, une entreprise californienne spécialisée dans les matières premières bio, durables et non OGM, à destination de l’industrie cosmétique.

Elle m’a montré un schéma : 1 hectare de palmiers produit 37 tonnes d’huiles par an. Contre 4 tonnes pour un hectare de soja ou encore 5 pour l’huile tournesol. Vous voyez le problème ? Evidemment avec un tel rendement, celui qui détient la terre où poussent ces palmiers peut se faire un paquet d’argent. Alors comme dans beaucoup de pays, si vous avez le pouvoir, vous avez l’argent et vice versa, on exproprie et on expulse les petits propriétaires, on crée de grandes exploitations de palmiers hyper rentables qui sont dirigées par des familles puissantes ou par des compagnies étrangères tout aussi puissantes et voilà ! L’huile de palme est massivement utilisée dans les cosmétiques et depuis des années. La demande est forte. Les producteurs et les industriels ne s’embarrassent pas de considérations écologiques, sanitaires ou humanistes.

Alors certains (surtout dans l’agro-alimentaire, suivez mon regard…) ont voulu nous faire avaler qu’on pouvait produire de l’huile de palme éco-responsable, bio et je ne sais quel autre argument pourri encore. Dites-vous bien que les contrôles sur les modes de production sont quasi inexistants. En tous cas ceux qui importent cet ingrédient n’ont aucune garantie qu’il soit produit de façon éco-responsable, surtout lorsqu’ils passent par tout un tas d’intermédiaires qui se « rincent » au passage. Et pour l’huile de palme à visée cosmétique, même punition. Caroline Greyl, lorsqu’elle a arrêté d’utiliser l’huile de palme pour fabriquer l’Huile Leonor Greyl, l’a fait non seulement suite à une prise de conscience écologique,  mais également parce qu’elle avait découvert que son fournisseur n’avait rien de vertueux, contrairement à ce qu’elle croyait (réécoutez son interview épisode 44). Eh oui ! Comment être certaine quand vous vivez à des milliers de kilomètres du pays fournisseur, que ce qu’on vous dit est vrai ? L’huile de palme est massivement utilisée dans les cosmétiques et depuis des années. La demande est forte. Producteurs et industriels ne s’embarrassent pas de considérations écologiques, sanitaires ou humanistes.

palmiers, huile de palme

Gay Timmons a choisi une autre voie. Les palmiers, qui produisent cette huile, poussent sur toute la ceinture équatoriale. Gay a choisi une huile produite en Equateur. Déjà, c’est plus près de chez elle que l’Indonésie. Elle travaille, non pas avec une grosse firme, mais avec environ 200 petits propriétaires. Le regroupement Palm Done Right intègre culture bio, commerce équitable et surtout éducation auprès de ces petits producteurs. L’éducation est la clé, comme souvent. Il apprend aux paysans locaux à bien faire pousser les arbres, à les traiter sans pesticides, à alterner les cultures pour ne pas épuiser les sols, à replanter quand c’est nécessaire… L’idée étant d’en faire une ressource durable. Si vous êtes comme moi, plutôt sceptique, il existe un site sur la production d’huile de palme durable. Il s’appelle palmdoneright.com et Oh oh Organic en est partenaire.
Malheureusement, je doute que les gros industriels se tournent vers de petits producteurs pour se fournir dans cet ingrédient tant la demande est forte. Ce marché a aiguisé bien trop de gros appétits. BASF a ainsi présenté son déviré d’huile de palme soit disant vertueux parce que labellisée Cosmos, Natrue (je vous rappelle qu’on paie pour obtenir un label !) et forcément (ahaha !) compatible avec la norme Iso 16128 (celle-là même qui accepte les ingrédients synthétiques, cherchez l’erreur…). Tu parles d’un gage de qualité et de transparence ! Croyez-vous que cette entreprise, fournisseur mondial, se tournera vers de petits producteurs pour fabriquer son « super » ingrédient ?

L’huile est le deuxième ingrédient le plus utilisé dans l’industrie cosmétique (après l’eau j’imagine) et la production vertueuse ne fait pas encore partie de son cahier des charges. Le pas cher, le rentable, oui, et tant pis s’il faut déforester, exterminer, et à terme menacer notre survie. L’industrie cosmétique qui aurait gagné à se débarrasser de cette plaie va donc continuer à aggraver la situation de l’Indonésie et dans tous les pays où poussent ces palmiers. Mon conseil : regardez bien, encore une fois, la liste des ingrédients sur vos produits et si vous voyez coco caprylate, oleyl linoleate, caprylic capric tryglicéride, isopropyl palmitate… C’est de l’huile de palme ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Pour info : les photos de palmiers que j’ai choisies pour illustrer ce post n’ont rien à voir avec la production d’huile de palme. Ceux-là poussent heureux au milieu d’autres espèces et essence préservées, dans le magnifique Jardin de Balata en Martinique. L’un de mes endroits préférés sur terre. Si vous avez la chance d’y aller un jour, faites-leur coucou de ma part 😉